CONFÉRENCE PASOLINI ET LE CINÉMA
PAR RENÉ DE CECCATTY

Au début des années 1960, lorsque Pier Paolo Pasolini décide de tourner Accattone, il n’est pas totalement profane dans le Septième art. En effet, alors qu’il est déjà très connu comme poète et romancier, il collabore à de nombreux films en tant que co-scénariste, incité à cela par son ami le romancier Giorgio Bassani, qui lui-même travaille pour le cinéma. Il fait même des apparitions en tant que comédien. Il est, dans toutes ses activités, littéraires ou picturales, à la recherche d’un langage direct qui traduise la “réalité” telle qu’il la perçoit, de façon subjective et objective. 

Il a cru tout d’abord que la poésie serait son “médium” privilégié et c’est en tant que poète frioulan qu’il s’est fait connaître. Il a consacré aux poètes, populaires ou dialectaux, des anthologies, car c’est dans une poésie non officielle, non normée, non classique qu’il se reconnaît. Découvrant dans la banlieue de Rome, où il s’installe, une population sous-prolétarienne, absente de la littérature et du cinéma, il écrit deux romans qui tentent de traduire un langage qui n’a jamais eu sa place dans des livres. Et alors, il a le sentiment d’approcher le “réel”, comme lorsqu’il écoutait parler ses jeunes élèves au Frioul, dans l’école parallèle qu’il avait fondée avec sa mère en pleine guerre. 

C’est en poursuivant la même idée fixe de traquer la réalité qu’il se lance dans la réalisation, avec Accattone. Son ami Federico Fellini, avec lequel il a collaboré sur Les Nuits de Cabiria et La Dolce Vita, veut produire le film, mais c’est finalement Alfredo Bini qui prend le relais et l’accompagnera dans ses nombreux projets suivants. Si les deux premiers films de Pasolini sont très proches de ses romans et du néoréalisme, il y perce déjà quelque chose de nouveau et de très personnel, qui est une forme de mysticisme. Le sacré est ce que Pasolini veut représenter, même dans l’univers interlope et très pauvre de la petite délinquance romaine. Et c’est tout naturellement qu’il tournera La Ricotta et L’Évangile selon saint Matthieu, où s’affirme sa réflexion sur la spiritualité et la transfiguration. 

Les scandales auxquels sont attachés ces succès publics vont dès lors marquer le cinéma de Pasolini, où sexualité et allégorie s’entremêlent dans une vision inédite de la modernité, enrichie par de grands textes classiques (antiques et médiévaux), dans lesquels le cinéaste puise son inspiration, sans jamais quitter l’actualité politique de son pays. Mais c’est le Tiers-Monde qui va désormais l’attirer, dans un refus d’une Italie qui lui semble dénaturée. Son langage n’est pas toujours compris par les spectateurs, qui sont cependant fascinés et suivent ce poète de la caméra. Pasolini sera souvent poursuivi par une justice moralisatrice, acceptant mal la liberté de ton de ce créateur hors du commun et son goût de l’allégorie politique, qui culminera dans ThéorèmePorcherie et Salò.

René de Ceccatty

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